Contrairement à l'an passé à la même époque où nous nous étions montrés relativement confiants pour annoncer une croissance mondiale du marché du semiconducteur 2014 de l'ordre de 8,5%, nous ne pouvons pas exclure, cette année, des risques de pénurie, en raison des répercussions de difficultés de production en technologie 14 nm et 16 nm. Notre prévision de croissance, de 12,5% pour 2015, est donc très conditionnelle. Par Jean-Pierre Della Mussia …

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Le marché des semiconducteurs se sera finalement accru de 9 ou 9,5% en 2014, et cela sans crise majeure en dehors des déceptions sur les rendements de production de circuits intégrés réalisés avec des technologies en deçà de 20 nm. L'incertitude est beaucoup plus grande pour cette année. La loi de Moore (multiplication par quatre du nombre de transistors intégrés sur une surface de silicium donnée tous les trois ans) ne fonctionne en effet plus très bien : le monde du semiconducteur se rapproche du moment où il deviendra impossible de réduire les dimensions des motifs des circuits (une bonne dizaine d'années tout de même). Intel a ainsi avoué récemment qu'il avait mis trois ans au lieu de deux pour industrialiser sa technologie 14 nm. TSMC a été obligé d'introduire une deuxième génération technologique 16 nm tellement les progrès apportés par la première génération étaient insuffisants. Il se dit enfin que les rendements de fabrication en technologie 14 nm chez Samsung sont catastrophiques.

Les volumes de production en 14 nm et 16 nm ne sont pas encore au rendez-vous

En pratique, même si les investissements en semiconducteurs de ces « trois grands » ne sont pas en ralentissement (ou du moins ne l'ont pas été en 2013 en vue des productions 2015), le nombre de circuits fonctionnels qui sortent des usines 14 nm à 16 nm, les plus avancées, est bien moindre que prévu par dollar investi. En toute logique, les clients n’auront pas d’autre choix que de transférer (avec d'anciens designs) certaines commandes de circuits prévues dans ces technologies, chez les fondeurs bien équipés pour des productions en 20 nm et 28 nm. Problème : les carnets de commandes dans ces dernières technologies sont déjà bien garnis… Cela devrait donc normalement coincer à un moment ou à un autre- pas dans les deux mois qui viennent tout de même- pour tous les circuits sub 28 nm. (Au-dessus de 28 nm, les fabricants de semiconducteurs traditionnels- en général en phase de basculement vers des productions sous-traitées auprès des fondeurs- ont encore de la capacité disponible ; la tendance à la fermeture des usines âgées devrait simplement ralentir).

Que feront les acheteurs ?

Toute la question est donc de savoir si les acheteurs vont « restocker » ou non en vue de difficultés d'approvisionnement à venir. Si oui, il n'y aura rien à faire pour empêcher une pénurie quasi généralisée, comme d'habitude. Malheureusement, pour vérifier les taux d'utilisation des capacités de production des usines, donc savoir si une pénurie se rapproche, nous ne pouvons plus compter sur les statistiques de l'organisme SICAS qui collectait autrefois ces données : il ne le fait plus depuis plus de trois ans. Il existe bien des informations ponctuelles publiées par les sociétés d'études spécialisées, mais elles sont très volatiles. De toute façon, pour les circuits avancés, elles sont plutôt inquiétantes ; un taux de 95% ou plus est souvent évoqué en deçà de 28 nm. Un taux en zone dangereuse, donc.

S'il ne devait pas y avoir de pénurie- ce qui est tout de même possible, ce ne serait pas la première fois que les « beaux raisonnements » ne se concrétisent pas- la croissance devrait malgré tout être plus que correcte l'an prochain. Par rapport aux 9% de 2014, il serait logique d'ajouter 1% de croissance au nombre de pièces à livrer grâce à la petite amélioration de conjoncture macro-économique le plus souvent prévue pour cette année, et 1 % du fait de l'augmentation des prix due aux capacités disponibles plus restreintes que l’an passé. Du fait de l'atténuation de la loi de Moore déjà évoquée, même en hypothèse favorable, il y aurait tout de même, par rapport 2014, une moindre baisse des prix annuels par transistor sur les circuits très avancés. Il est possible d'estimer son impact à environ 1,5% sur l'ensemble des prix car les difficultés techniques rencontrées sont une réalité incontestable. Finalement, la somme de ces petites croissances devrait aboutir à une augmentation du marché de 9 % (celle de 2014) plus 1% sur la demande en nombre de pièces, plus 1% de croissance générale des prix, plus 1,5% de moindre baisse des prix historique sur les circuits sub 20 nm du fait de l'atténuation de la loi de Moore. Soit une croissance 2015 de 12,5%. Bien sûr, une éventuelle pénurie avec ses restockages et augmentations de prix pourrait propulser cette croissance à plus de 30% en rythme annuel…

Les lecteurs intéressés par l'évolution du contexte de cette conjoncture pourront relire utilement notre prévision 2014 parue dans l'édition VIPress du 2/1/2014.

JP Della Mussia

Si vous souhaitez réagir à cet article, vous pouvez contacter Jean-Pierre Della Mussia à l’adresse suivante : jpdmjp@yahoo.fr

Les prévisions des sociétés américaines

2014 aura été une bonne année pour l’industrie des écrans plats : le prix des écrans n’a cessé de croître et les volumes de livraisons des quatre applications majeures (téléviseurs, PC portables, moniteurs et tablettes) ont progressé de 2,2%, à 826,8 millions d’unités, selon WitsView. Mais pour la division de TrendForce, l’année 2015 sera plus chahutée …

En effet, alors que la situation entre l’offre et la demande est restée tendue en 2014 (avec une demande supérieure à l’offre de 0,4%), l’an prochain l’offre devrait être supérieure de 5,4% à la demande, soutient le cabinet d’études taïwanais. Ainsi, si la demande devrait être assez forte au premier trimestre en dépit de la saisonnalité de l’activité, les stocks devraient néanmoins s’accumuler pour atteindre un niveau relativement élevé au deuxième trimestre.

Or, à ce moment, le démarrage de la production en Chine de trois lignes de fabrication de nouvelle génération (8,5) viendra grossir les rangs. Tout dépendra alors de l’ampleur de la demande dans la seconde moitié de l’année 2015.

Par type d’applications, WitsView prévoit une croissance de 3,4% pour les livraisons d’écrans plats pour téléviseurs l’an prochain. La taille moyenne des écrans devrait gagner 0,5 pouce, permettant ainsi une progression de 6,3% du marché des LCD-TV en surface livrée. Par ailleurs, la pénétration de très haute définition (4K) devrait s’amplifier l’an prochain.

Concernant les écrans pour moniteurs et PC portables, le cabinet d’études taïwanais estime que leurs livraisons en nombre d’unités baisseront l’an prochain respectivement de 0,5%, à 155,8 millions de pièces et de 1,2%, à 188,2 millions d’unités. Pour autant, en surface livrée, le marché des écrans pour moniteurs devrait progresser de 2,6%, grâce à l’augmentation de la taille des écrans.

Enfin, le marché des écrans pour tablettes, du fait de sa maturité croissante, devrait reculer de 1,3% en nombre d’unités (232 millions de pièces) et de 0,9% en surface livrée.

En octobre, les facturations de l’industrie allemande des circuits imprimés ont progressé de 4% par rapport à octobre 2013 et de 1% par rapport au mois précédent, tandis que les prises de commande ont reculé de 3,2% sur un an, mais ont été supérieures de 12% à celles de septembre 2014, selon les statistiques du Zvei …

Sur les dix premiers mois de l’année, les facturations outre-Rhin sont ainsi supérieures de 3,4% par rapport à janvier-octobre 2013, et les prises de commandes ont été supérieures de 5% à celle de la même période de l’an passé.

Du fait du faible niveau des commandes d’octobre, le book-to-bill de septembre est resté inférieur à l’unité, remontant légèrement à 0,84, contre 0,75 en septembre.

Selon DigiTimes Research, le marché mondial des PC portables devrait reculer de 2,7% cette année, à 170 millions d’unités, avant de diminuer de 1,7% en 2015, à 167 millions d’unités. Pour autant, le Chinois Lenovo, premier fabricant mondial de PC, figurera l’an prochain au deuxième rang mondial pour la fourniture de terminaux informatiques mobiles (notebooks et tablettes), s’intercalant entre Apple et Samsung, grâce à son positionnement sur les PC portables …

Pour la suite, la situation ne devrait pas changer fondamentalement. Si même les professionnels sont de plus en plus attirés par les tablettes face aux notebooks, le déclin du marché des PC portables sera très lent. Ainsi, DigiTimes Research estime qu’en 2018, le marché mondial des PC portables atteindra encore 154,7 millions d’unités

Premier fondeur mondial, le Taïwanais TSMC affiche pour le mois de novembre un chiffre d’affaires de 72,28 milliards de dollars taïwanais (2317 M$), en recul de 10,5% par rapport à octobre 2014, mais en progression de 63% par rapport à novembre 2013. Sur les onze premiers mois de l’année, TSMC affiche ainsi une progression de ses ventes de 26,7%, à 693,30 milliards de dollars taïwanais (22,23 milliards de dollars) par rapport à janvier-novembre 2013 …

De son côté, son compatriote UMC publie pour le mois de septembre un chiffre d’affaires de 13,5 milliards de dollars taïwanais (433 M$), en baisse de 14,5% par rapport à octobre 2014, et en progression de 11,5% par rapport à novembre 2013. Sur les onze premiers mois de l’année, UMC affiche ainsi une progression de ses ventes de 12,5%, à 127,8 milliards de dollars taïwanais (4,1 milliards de dollars) par rapport à janvier-novembre 2013.

Le marché allemand des semiconducteurs devrait croître de 7,2% cette année, à 11,3 milliards d’euros, selon le Zvei. Pour l’organisation professionnelle, le marché d’Outre-Rhin retrouve ainsi son niveau d’avant la crise de 2008. Pour 2015, le Zvei table sur une progression de près de 5%, à 12 milliards d’euros …

Par comparaison, le marché européen des semiconducteurs, qui avait progressé de 5,2% en 2013, devrait croître de 6,5% cette année, à 36 milliards de dollars, puis de plus de 3% l’an prochain, à 37 milliards. Quant au marché mondial, le Zvei estime que les prévisions initiales d’une croissance de 8% pour 2014 seront dépassées (+9% à +10%). L’an prochain, une croissance de 4% à 5% est attendue pour un marché des puces atteignant alors 345 milliards de dollars. L’Europe devrait voir sa part de marché se stabiliser autour de 10% de la consommation mondiale de semiconducteurs, escompte l’organisation professionnelle germanique.

L’automobile va représenter cette année 43% de la consommation allemande de semiconducteurs. Ce segment de marché devrait en efffet progresser de plus de 10% en 2014, à 4,9 milliards d’euros. L’industriel prendra cette année la deuxième place (+6%, à 2,8 milliards d’euros), devançant le traitement de données d’ingénierie (+6%, à 2,7 milliards). Suivent les télécoms (+7%, à 0,7 milliard d’euros) et l’électronique grand public (+1%, à 200 M€).